Une première mondiale. Les bureaux de vote ont ouvert dimanche au Mexique pour l'élection unique au monde de tous les juges jusqu'aux neuf membres de la Cour suprême.
Cette élection est la colonne vertébrale d'une réforme constitutionnelle lancée par la gauche au pouvoir pour lutter contre ce qu'elle appelle "la corruption et les privilèges" du personnel judiciaire.
Ses adversaires dénoncent un risque de mainmise du pouvoir actuel, très populaire, sur le système judiciaire. Ils ont lancé un appel à une "marche nationale" dimanche.
"Aujoud'hui, nous n'allons pas seulement élire des personnes. Nous allons élire le type de justice que nous voulons pour notre pays", a déclaré la présidente de l'Institut national électoral (INE), Guadalupe Taddei.
Au total, 881 postes sont en jeu au niveau fédéral, dont les neuf membres de la Cour suprême. Quelque 1.700 juges vont être élus dans 19 des 32 Etats. Des élections complémentaires auront lieu en 2027.
La lutte contre l'impunité est également un enjeu de la réforme du système judiciaire. Le Mexique, qui compte près de 130 millions d'habitants, enregistre chaque année 30.000 homicides. La plupart de ces crimes restent impunis.
Le pays compte six des huit bandes criminelles d'Amérique latine qualifiées d'"organisations terroristes" par le président américain Donald Trump.
- "Corruption et privilèges" -
La présidente de gauche, Claudia Sheinbaum, a parlé d'un "jour historique" en lançant samedi un dernier appel à voter.
"Ceux qui souhaitent le maintien du régime de corruption et de privilèges au sein du pouvoir judiciaire disent que cette élection est truquée. Ils disent aussi que c'est pour qu'un parti politique s'approprie la Cour suprême", a-t-elle dit.
"Rien de plus faux", a poursuivi la présidente, en assurant que cette élection inédite allait permettre l'avènement "d'un pouvoir judiciaire honnête, proche du peuple" qui n'aura été choisi "ni par la présidente, ni par les législateurs, mais par le peuple du Mexique".
Elue avec près de 60% des voix il y a un an, Mme Sheinbaum bénéficie d'une cote de popularité d'environ 75%, encore plus forte que celle de son prédécesseur et mentor politique Andres Manuel Lopez Obrador.
Au pouvoir depuis décembre 2018, leur Mouvement pour la régénération nationale (Morena) est largement majoritaire au Parlement et dans une vingtaine des 32 Etats mexicains.
Des adversaires de la réforme ont convoqué une "marche nationale" dimanche. Ils dénoncent un risque de prise de contrôle de la justice par la gauche au pouvoir. Des inquiétudes portent également sur l'influence des cartels de la drogue sur le scrutin.
- Candidats controversés -
L'ONG Defensorxs a identifié près de 20 candidats à risque pour leurs liens présents ou passés avec des figures du crime.
Parmi eux, Silvia Delgado, ex-avocate de Joaquín "Chapo" Guzmán, cofondateur du cartel de Sinaloa, condamné à la perpétuité aux Etats-Unis.
Mme Delgado est candidate à un poste de juge pénal à Ciudad Juarez, ville-frontière avec les Etats-Unis.
Autre exemple: Leopoldo Chávez, en campagne dans l'Etat du Durango (nord), a passé six ans en prison aux Etats-Unis pour trafic de métamphétamines. "Je ne me suis jamais vendu auprès de vous comme le candidat parfait", a-t-il affirmé dans une vidéo publiée sur Facebook.
Les candidats doivent être diplômés en droit, avoir de l'expérience et "une bonne réputation".
Le scrutin risque de peu mobiliser les Mexicains, l'autorité électorale pronostiquant un taux de participation 13 à 20%. Un électeur doit choisir des dizaines de juges parmi des centaines de candidats, ce qui nécessite des heures de recherches pour qui veut voter de façon avisée, explique David Shirk, professeur de l'Université de San Diego, aux Etats-Unis.
Ce chercheur fait par ailleurs remarquer que l'essentiel de la corruption judiciaire au Mexique se joue au niveau des parquets, et non des magistrats du siège.
"Il est beaucoup plus facile d'acheter un procureur" que "d'influencer le juge", explique M. Shirk, directeur d'un projet de recherche sur la justice au Mexique.
P.Verhoeven--LCdB