L'ex-présidente argentine Cristina Kirchner a commencé mardi à purger sa peine de prison à son domicile de Buenos Aires, après l'accord par la justice d'une assignation à résidence et que partisans et syndicats annonçaient pour mercredi une massive manifestation de soutien.
Le jugement d'un tribunal fédéral, auquel l'AFP a eu accès, a disposé que la détention s'effectuera "à partir de ce jour, sous la modalité de l'assignation à résidence" accompagnée d'"un dispositif de surveillance électronique", sans plus de précision sur ce dispositif, bracelet ou autre.
La décision survient une semaine après la confirmation par la Cour suprême d'une condamnation de 2022 de Mme Kirchner à six ans de prison et à l'inéligibilité à vie pour administration frauduleuse -des marchés publics- pendant sa présidence (2007-2015).
Un jugement retentissant contre une figure-clef de la politique argentine depuis 20 ans, successivement Première Dame, cheffe de l'État puis vice-présidente. Et à ce jour encore, quoique sans mandat électif, principale opposante au président ultralibéral Javier Milei.
Mme Kirchner, 72 ans - âge qui en théorie lui permettait d'éviter l'incarcération - avait demandé de pouvoir effectuer la peine à son domicile du quartier de Constitucion, à Buenos Aires, invoquant des raisons institutionnelle et de sécurité.
- Soutien sous ses fenêtres -
Elle plaidait en particulier qu'en tant qu'ex-présidente, elle bénéficie d'une protection policière à vie - et donc d'une surveillance - à laquelle elle ne peut se soustraire. Et rappelait qu'en septembre 2022, alors vice-présidente, elle a été victime d'une tentative d'assassinat.
Les procureurs qui avaient officié à son procès s'étaient pourtant prononcés contre l'assignation à résidence, estimant qu'en ce cas "les raisons humanitaires qui justifient une telle mesure d'exception ne sont pas évidentes".
Depuis le jugement de la Cour suprême, "CFK" a vu se mobiliser autour d'elle un noyau dur du militantisme péroniste (de centre-gauche), quelques centaines de partisans se relayant en une garde quasi-permanente sous ses fenêtres à Buenos Aires. Et qu'elle sort longuement saluer plusieurs fois par jours depuis son balcon.
Ils étaient encore là mardi, bravant le froid de l'hiver austral, partageant un maté ou une saucisse grillée entre chants et slogans de soutien. Certains venus de loin, telle Huara Gatti, employée de 33 ans de Rosario (300 km de Buenos Aires), arrivée en train avec sac de couchage pour passer la nuit.
"Il faut être ici, car c'est un moment très important, très triste et douloureux. C'est une façon de la serrer dans nos bras à distance, et de lui faire savoir qu'elle n'est pas seule", déclarait-elle à l'AFP.
"On t'aime Cris", "Cristina est le peuple", "Merci pour la conquête de tant de droits"... Sur les murs, les devantures de maisons ou commerces mitoyens, des dizaines, des centaines de messages sur des feuilles A4 disent la gratitude, voire l'adulation pour la présidente dont les mandats restent associés au souvenir d'une politique sociale volontariste. Ou, pour ses adversaires, pathologiquement ruineuse.
Certains restaient des heures, d'autres venaient passer un moment puis repartaient. Des automobilistes klaxonnaient en soutien, d'autres au contraire lançaient un hostile "vous finirez tous en prison !". Rappelant que Cristina Kirchner reste une figure éminemment clivante.
- "Immense" mobilisation ? -
Le jugement sur l'assignation à domicile enjoint à Mme Kirchner de "s'abstenir de tout comportement susceptible de troubler la tranquillité du voisinage et/ou de perturber la cohabitation pacifique de ses habitants".
L'ex-présidente aura droit à des visites limitées, et devra fournir à la justice une liste de personnes -famille, sécurité, médecins, avocats- qui pourront accéder à son domicile sans autorisation expresse de la justice.
L'assignation a résidence fera l'objet d'une supervision tous les trois mois.
Ces derniers jours, le Parti justicialiste (péroniste) et le mouvement syndical ont dit préparer pour mercredi une manifestation massive de soutien à Mme Kirchner à Buenos Aires, pour coïncider avec le début de sa sentence. Une option envisagée -mais non confirmée mardi- était une marche de 5km, du domicile de Mme Kirchner au Palais de justice.
Une "immense mobilisation", la "plus grande des derniers temps", a promis Teresa Garcia, secrétaire du parti.
Un "grand rassemblement populaire qui exprime le rejet d'une (condamnation) injuste, partiale et arbitraire", a annoncé la CGT, plus grande centrale syndicale du pays.
Tout au long de la procédure, Cristina Kirchner, niant toute malversation, n'a eu de cesse de dénoncer une "persécution politico-judiciaire" pour la "bannir" de la politique. L'inéligibilité l'empêchera de fait de postuler à un mandat de député régionale, qu'elle visait en septembre.
L.Dumont--LCdB