Le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz rencontre vendredi les responsables des principales institutions européennes à Bruxelles, où son arrivée, dans une période de vives tensions géopolitiques, suscite de grands espoirs.
"Il était temps!", souffle un diplomate. "On attend et on a besoin d'une Allemagne forte, qui soit capable de tenir son bâton de pèlerin", assure-t-il, sous couvert d'anonymat.
Voilà six mois que les Européens sont suspendus aux moindres rebondissements de la politique allemande, impatients de relancer un continent confronté à une cascade de crises.
Sans l'impulsion de la première économie du bloc, l'Europe peine à avancer, jusqu'à parfois donner l'impression de faire du surplace.
"Nous plaçons de très grands espoirs dans le gouvernement allemand", renchérit la ministre finlandaise des Affaires étrangères Elina Valtonen.
Le come-back de l'Allemagne sur le devant de la scène européenne, s'il se confirme, ne se fera toutefois pas sans frictions.
Elu sur une ligne de fermeté, notamment en matière migratoire, le nouveau chancelier a déjà suscité des tensions en décidant unilatéralement de refouler la plupart des demandeurs d'asile à ses frontières - un geste qui a froissé plusieurs partenaires.
- Auf Wiedersehen Scholz-
Reste que Friedrich Merz n'est pas Olaf Scholz. Et marque une réelle rupture de style.
A la tête de l'Allemagne de 2021 à 2025, l'ancien chancelier social-démocrate a laissé un souvenir amer à Bruxelles, nombre de diplomates lui reprochant son attentisme et une proximité jugée excessive avec Washington.
"Je crois qu'on espère de Friedrich Merz qu'il soit un peu plus orienté vers l'UE", souligne Guntram Wolff du centre de réflexion Bruegel.
Dans une interview publiée mardi, Friedrich Merz a d'ailleurs promis d'être un "chancelier très européen", assurant avoir été "marqué" par le mandat d'eurodéputé qu'il a exercé de 1989 à 1994.
En déplacement à Bruxelles vendredi après une tournée à Paris et Varsovie, il rencontrera le président du Conseil, Antonio Costa, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, et le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte. Et donnera à l'occasion trois conférences de presse.
Son entrevue la plus scrutée sera sans aucun doute avec la cheffe de l'exécutif européen, allemande comme lui, et qui a qualifié le chancelier d'"ami".
- Défense, défense, défense -
Pour Guntram Wolff, les deux dirigeants sont sur la même longueur d'onde: "Ils viennent du même parti, ils ont des idées et un background communs, avec l'intégration européenne dans leur jeunesse", énumère-t-il.
Mais des désaccords pourraient rapidement surgir, en particulier sur l'immigration: là où Ursula von der Leyen plaide pour des solutions coordonnées au niveau européen, Friedrich Merz a jusqu'ici privilégié une approche nationale.
Le dossier sur lequel le nouveau leader allemand est le plus attendu est incontestablement la défense, l'Europe cherchant à muscler considérablement ses efforts dans le domaine, face à un allié américain de plus en plus incertain.
Longtemps un chantre de l'orthodoxie budgétaire, le chancelier allemand a déjà marqué des points auprès de Bruxelles en se disant favorable à un assouplissement de certaines règles fiscales européennes pour permettre aux Etats de l'UE d'investir davantage dans la défense.
Il devra aussi se plonger sans délai dans l'épineux dossier des droits de douane, l'Europe cherchant la meilleure posture commune face aux mesures imposées par le président américain Donald Trump.
Parmi ses autres priorités figurent la signature de nouveaux accords de libre-échange, dont celui avec les pays sud-américains du Mercosur, ainsi que la recherche d'un difficile équilibre entre ambitions climatiques et la protection de l'industrie européenne.
L.Dumont--LCdB