Fraude à l'impôt sur les dividendes: un sénateur enjoint à Bercy de rétablir une lutte efficace / Photo: Ludovic MARIN - AFP/Archives
Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (Les Républicains), a appelé jeudi le gouvernement à revoir sa copie sur l'application d'un dispositif législatif de lutte contre le contournement de l'impôt sur les dividendes, jugeant que Bercy l'a affaibli.
"Je le dis très clairement (...) le retrait du texte d'application du gouvernement est pour moi une demande impérative du Sénat pour respecter la volonté et le vote souverain du Parlement", a déclaré Jean-François Husson, sénateur de Meurthe-et-Moselle, lors d'une conférence de presse jeudi après-midi au Sénat.
M. Husson s'inquiète de voir vidé de sa substance un dispositif anti-fraude voté dans la loi de finances pour 2025.
Ce mécanisme introduit par le Sénat entend lutter contre un stratagème d'évasion fiscale reposant sur des échanges de titres appelé "CumCum". Il permet à certains actionnaires étrangers d'entreprises françaises de contourner l'imposition à la source sur les dividendes en confiant temporairement leurs actions à un tiers français, en l'occurrence une banque, moyennant rétribution.
Le dispositif voté dans le budget comblait cette faille en imposant notamment que la retenue à la source s'applique aux "bénéficiaires effectifs" des produits distribués.
La commission des Finances du Sénat s'était déjà élevée contre la rédaction du texte d'application paru en avril dans le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), qui précise notamment que ce dispositif ne s'applique pas sur les "marchés réglementés" lorsque "l'établissement payeur ne connaît effectivement pas sa contrepartie".
"Le gouvernement a prévu des textes d'application de la loi qui ouvrent une brèche dans laquelle les banques peuvent s'engouffrer pour continuer à frauder l'impôt", a déploré M. Husson devant les journalistes.
A l'inverse, Bercy estime que le texte publié "n'introduit aucune brèche dans le texte voté par le Parlement" et "apparaît au contraire nécessaire pour assurer la bonne application des dispositions législatives dans un cadre juridiquement sécurisé", au vu des "nombreuses interrogations reçues des contribuables".
Lors de sa conférence de presse, le sénateur a déclaré que "c'est le lobby bancaire lui-même, à travers la Fédération bancaire française, qui a demandé à Bercy de prévoir ces cas de non-application de l'impôt, alors que les banques elles-mêmes profitent de cette fraude".
La FBF précise dans une déclaration transmise à l'AFP qu'elle "exerce son rôle de représentant d'intérêt conformément aux lois".
Elle explique qu'il "n'exist(e) pas de phénomène de fraude, en France, résultant de pratiques d’arbitrage de dividendes" même si elle souligne qu'il "p(eut) y avoir des actes de fraude, mais pas systémique".
M. Husson, qui s'était rendu dans la matinée au ministère, à Bercy, dit avoir appris "qu'il y aurait désormais pour plus de 4,5 milliards d'euros de redressements en cours, avec des redressements qui datent du mois dernier et qui attestent que la fraude massive des banques continue".
La pratique visée par ce mécanisme fait l'objet en parallèle de plusieurs enquêtes ouvertes par le parquet national financier (PNF).
Selon M. Husson, cette "délinquance en col blanc" représenterait un manque à gagner d'environ 1,5 à 2 milliards d'euros pour l'année 2025.
"Si ce texte n'était pas retiré, je ne vois pas comment il serait aujourd'hui possible de demander aux Français de participer aux efforts de redressement des comptes publics en 2026", a-t-il souligné.
V.Nijs--LCdB