Chez un fabricant de bottes en cuir de la ville indonésienne de Bandung, les employés gèrent une commande en provenance du Texas, mais la propriétaire, Etnawati Melani, dit craindre que son activité diminue lorsque les droits de douane annoncés par Donald Trump s'appliqueront.
Alors que les États-Unis représentent le plus grand marché d'exportation de chaussures de l'archipel, le président américain a annoncé mardi des droits de douane de 19% en plus du niveau plancher de 10%.
Ces droits de douane sont inférieurs aux 32% un temps évoqués. Le président indonésien Prabowo Subianto a salué mercredi une "nouvelle ère de bénéfices mutuels" après cette annonce.
Pour autant, Mme Etnawati qui prévoyait d'augmenter ses échanges avec les Etats-Unis doit maintenant se tourner vers des marchés alternatifs.
"Je dois développer une nouvelle stratégie. Peut-être qu'il faudra diversifier nos marchés, nos produits, etc..., a-t-elle confié à l'AFP.
"Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les États-Unis. Il existe encore de nombreux marchés dans le monde. Nous pouvons encore nous adapter", a-t-elle ajouté, prévoyant de se concentrer désormais "sur le Japon et les partenaires russes".
En échange de droits de douane plus bas, l'Indonésie s'est engagée à investir des milliards pour augmenter ses importations d'énergie, d'agriculture et de marchandises en provenance des États-Unis et à acheter 50 avions du constructeur américain Boeing, selon M. Trump.
Il n'a pas été précisé quand l'accord entrerait en vigueur.
Selon des chiffres officiels américains, les Etats-Unis ont enregistré en 2024 un déficit commercial de 17,9 milliards de dollars (16,2 milliards d'euros) avec l'Indonésie, en hausse de 5,4% par rapport à 2023.
- "Je suis inquiet" -
L'Indonésie est le troisième plus grand exportateur de chaussures vers les États-Unis, derrière la Chine et le Vietnam, selon l'Observatoire de la complexité économique.
Toute nouvelle hausse des droits de douane vers les États-Unis risque donc de nuire aux affaires, en particulier à Bandung, où le secteur de la chaussure est réputé internationalement.
Les économistes indonésiens qualifient l'accord annoncé par M. Trump "d'unilatéral", en faveur de Washington, qui, selon le président américain, bénéficierait en retour d'un accès sans droits de douane au marché indonésien.
"Ce n'est pas un accord. C'est (...) un accord unilatéral", a estimé mercredi Yose Rizal Damuri, directeur du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Jakarta, interrogé par l'AFP.
Mais selon lui, in fine, ce sont les consommateurs américains qui vont probablement subir la hausse des droits de douane, plus que les entreprises indonésiennes, les tarifs douaniers de Trump s'étendant à de nombreux pays.
"Les États-Unis seront les plus touchés. Les prix vont augmenter', a-t-il estimé.
Selon des données publiées mardi, l'inflation aux États-Unis a progressé en juin de 2,7% sur un an, contre 2,4% en mai.
A Bandung, dans le magasin de Mme Etnawati, les employés les plus expérimentés comme Jajang, ont déjà connu les hauts et les bas de l'activité, la pandémie de Covid-19 ayant affecté les ventes avec des dizaines de collègues licenciés et plusieurs décès.
"Je n'y connais rien sur cette question (des droits de douane, nldr), l'important c'est que j'ai un travail ici", a déclaré cet homme de 53 ans qui ne porte qu'un nom.
D'autres, conscients de la menace de Trump sur les exportations indonésiennes, se montrent plus inquiets.
Lili Suja'i, qui vient de travailler sur une commande texane de trois paires de bottes, craint lui que les clients américains soient rebutés par les prix plus élevés, même si avant toute commande, les tarifs sont négociés.
"Je suis inquiet, oui, mais avant de passer commande, nous négocions les frais de port et les prix avec le client", explique l'homme de 38 ans.
D.Pauwels--LCdB