Le marché du travail s'est nettement affaibli ces derniers mois aux États-Unis, selon les données officielles publiées vendredi, affichant beaucoup moins de créations d'emplois qu'initialement estimé, un constat de nature à accentuer la pression sur la banque centrale.
La première économie mondiale a créé 73.000 emplois en juillet, moins qu'attendu par les analystes, selon le rapport mensuel du ministère du Travail.
Surtout, les créations d'emplois pendant les mois de mai et de juin ont été fortement révisées à la baisse. Les chiffres corrigés (19.000 en mai et 14.000 en juin) s'affichent ainsi au plus bas depuis la pandémie de Covid-19.
Les corrections sont "bien supérieures à la normale", est-il relevé dans le rapport. Ce sont 258.000 créations d'emplois qui se sont évaporées des statistiques sur ces deux mois.
L'exécutif américain ne cesse d'affirmer que l'économie est rugissante, tout en appelant avec insistance la Réserve fédérale (Fed) à la soutenir davantage.
Les créations d'emplois se sont concentrées dans un nombre réduit de secteurs (santé et services sociaux), alors que des emplois ont continué à être détruits au niveau de l’État fédéral, conformément au vœu du gouvernement républicain.
L'appareil fédéral compte 84.000 emplois en moins depuis janvier, mois au cours duquel Donald Trump a été investi pour un second mandat.
Le taux de chômage a légèrement progressé à 4,2%, contre 4,1% en juin.
- Nouvelle donne -
Les analystes s'attendaient à voir le marché du travail américain, jusqu'ici considéré comme proche du plein emploi, se craqueler sous l'effet du ralentissement économique induit par l'offensive protectionniste de Donald Trump.
Ils ont été surpris par l'ampleur des changements, "comme un signal en provenance d'une planète très différente de celle qu'on connaissait hier", selon les mots de Carl Weinberg, économiste à HFE.
"C'est un rapport qui change la donne. Le marché du travail se détériore rapidement", réagit dans une note l'économiste de la banque Navy Federal Credit Union, Heather Long.
Au total, les États-Unis n'ont "créé en moyenne que 35.000 emplois au cours des trois derniers mois", souligne-t-elle, ajoutant que la Réserve fédérale devait "sérieusement envisager une baisse des taux en septembre" pour soutenir l'économie.
Les projections des investisseurs sur le niveau futur des taux directeurs de la banque centrale ont immédiatement changé. Ils sont davantage à miser sur une baisse des taux lors de la réunion de septembre, ce qui a fait baisser les taux d'emprunt de l’État fédéral et le dollar.
Heather Long considère qu'il devient urgent de lever les incertitudes entourant l'offensive protectionniste du gouvernement: "Plus cette instabilité tarifaire durera, plus ce contexte de faible recrutement risque de se transformer en licenciements", pressent-elle.
- Attendre d'y voir plus clair -
Mercredi, la Fed a laissé ses taux directeurs inchangés pour la cinquième fois d'affilée, son président Jerome Powell estimant qu'elle pouvait encore se permettre d'attendre d'y voir plus clair quant aux répercussions économiques des droits de douane.
Deux des douze membres du comité de politique monétaire (FOMC) ont manifesté leur désaccord.
Vendredi, avant l'ouverture de Wall Street et la publication des chiffres de l'emploi, ces gouverneurs dissidents ont publié des communiqués expliquant leur position.
Ils estiment qu'il aurait fallu agir vite, en baissant les taux, plutôt qu'attendre d'assister à la dégradation de l'activité économique et des conditions d'emploi.
Une baisse des taux aurait "protégé de manière préventive" l'économie et le marché du travail, argumente la gouverneure Michelle Bowman.
Son collègue Christopher Waller a considéré de son côté que l'approche attentiste de la Fed était "excessivement prudente".
Le président Donald Trump, qui réclame inlassablement une diminution des taux directeurs, a traité vendredi matin sur son réseau social Truth Jerome Powell d'"ABRUTI têtu".
"S'IL CONTINUE à REFUSER" de baisser les taux, les autres responsables de la Fed "DOIVENT PRENDRE LE CONTRÔLE", a-t-il écrit, comme souvent en majuscules.
Selon Jamie Cox, du groupe Harris Financial, "Powell va regretter d'avoir laissé les taux inchangés cette semaine". La Fed, ajoute-t-il, "devra baisser les taux en septembre et cela pourrait être d'un demi point d'un coup pour rattraper le temps perdu".
W.Blondeel--LCdB