Dans un vignoble de l'Aude endommagé par l'incendie exceptionnel de la semaine dernière, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard est allée jeudi à la rencontre de vignerons sinistrés et d'élus auxquels elle a exprimé "la solidarité nationale" à l'égard du territoire des Corbières.
En bordure du village viticole de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, l'un des plus sinistrés par l'incendie, des vignes en partie brûlées s'étendent au pied de la colline recouverte de cendres.
"Ce traumatisme (...) marque profondément les populations, les exploitants agricoles, mais au-delà tout le pays", a déclaré la ministre aux élus et aux vignerons, "parce que le sens de la venue du Premier ministre (le 6 août, ndlr), comme de ma venue, c'est aussi l'expression de la solidarité nationale à l'égard de votre territoire".
Déjà accablés par des aléas climatiques et économiques, les viticulteurs des Corbières, sinistrés par cette "catastrophe d'une ampleur inédite", selon l'expression de François Bayrou lors de sa visite au début de l'incendie, attendent une aide du gouvernement, que la ministre de l'Agriculture doit annoncer jeudi.
"À l'occasion de ce désastre, il faut qu'on se pose de bonnes questions et qu'on apporte des réponses appropriées", en matière de "choix de cultures, en matière de production, en matière d'activité agricole, en matière d'adduction d'eau", a-t-elle ajouté.
Et d'appeler à faire "de ce territoire véritablement un lieu d'expertise".
Selon la ministre, il faut "un retour d'expérience pour savoir où ça a brûlé, qu'est-ce qui a brûlé, pourquoi à certains endroits ça n'a pas brûlé, pour qu'on puisse véritablement penser l'avenir".
Les viticulteurs mettent en avant le rôle essentiel de coupe-feu joué par les vignes toujours présentes, qui limitent ou stoppent la propagation des incendies.
Le feu d'une ampleur exceptionnelle a parcouru 16.000 hectares en deux jours, détruit 36 maisons, une vingtaine de hangars agricoles et dévasté 1.000 à 1.500 hectares de vignes, à quelques semaines des vendanges.
Lors de son premier déplacement, Annie Genevard doit annoncer des mesures d'urgence et le premier bilan des dégâts, dans un contexte de crise viticole persistante.
Une réunion a commencé à la mi-journée, consacrée à ces "mesures d'urgence" mais aussi aux "solutions durables pour reconstruire et renforcer la résilience des exploitations touchées", selon le ministère de l'Agriculture.
"On espère que l'enveloppe sera conséquente (...) Juridiquement, l'incendie, ce n'est ni une catastrophe naturelle, ni une calamité agricole, donc il faut que la solidarité nationale joue son rôle", estime Ludovic Roux, président de la chambre d'agriculture de l'Aude.
- "Electrochoc" -
Au-delà des conséquences du sinistre — le plus gros incendie sur le pourtour méditerranéen français depuis un demi-siècle — le représentant agricole plaide pour que l'Etat accorde un statut spécial au département.
"Ici, on n'est pas dans la Beauce, difficile d'avoir de la rentabilité dans une zone méditerranéenne comme les Corbières, du fait de la sécheresse et du climat. On a besoin d'un accompagnement spécifique. D'une indemnité compensatoire de handicap climatique, comme les zones de montagne bénéficient d'une indemnité compensatoire de handicap naturel dans le cadre de la PAC", plaide-t-il.
Baisse de la consommation de vin, hausse des coûts de production, baisse des revenus malgré les arrachages destinés à soutenir le cours du vin, "on espère que le feu va créer un électrochoc. Si l'agriculture recule, ça va coûter plus cher à l'Etat", avertit M. Roux.
- Pertes de récoltes -
Outre les bordures de vignes détruites par les flammes, les œnologues devront déterminer si le raisin épargné peut encore être vinifié, car l'exposition durable aux fumées en altère le goût.
Pour le vice-président de la FNSEA Jérôme Despey, "les vignes détruites sont pour la plupart assurées. Les pertes liées à une non-conformité des vins à cause de la fumée ou du retardant, ça, les assurances ne prennent pas a priori".
"Les remontées de terrain font état de 1.000 à 1.500 hectares fortement impactés (...) c'est-à-dire avec des pertes de fonds, des pertes de récoltes, des vignes qui ont reçu du produit retardant, qui ont été exposées pendant plusieurs jours à de la fumée", a déclaré mardi à l'AFP Jérôme Despey, aussi viticulteur et président du conseil spécialisé Vin et Cidre de FranceAgriMer.
R.Lacroix--LCdB