Les détails de l'accord sur les droits de douane entre l'Union européenne et les Etats-Unis ont laissé le secteur viticole sur sa faim de part et d'autre de l'Atlantique, les importateurs américains se préparant aux conséquences d'une hausse des prix pour la majorité de leurs produits.
Car malgré les espoirs, en particulier du côté français, d'une exemption pour les vins et spiritueux européens, le secteur sera taxé à 15%, comme beaucoup d'autres produits européens.
Pour les commerces américains, comme dans cette boutique de Washington proche du Capitole, cela signifie une hausse des prix, non seulement sur les vins provenant de petits producteurs européens, mais également sur ceux venant d'Afrique du Sud ou d'Argentine, touchés par d'autres surtaxes, de 10% à 30%.
"Tout le monde revoit les prix", s'inquiète le propriétaire de la boutique, Michael Warner, qui dit avoir déjà observé des augmentations de 10% à 15% de la part de ses fournisseurs depuis le mois de juin.
Dans son magasin, plus de 80% des vins sont importés, aux deux tiers d'Europe, et si de nombreux importateurs ont fait des stocks avant l'entrée en vigueur des droits de douane imposés par Donald Trump, l'inventaire se vide.
Entre baisse du dollar et droits de douane, M. Warner estime que de nombreux importateurs "voient une hausse de 20% de leurs coûts. Et nous verrons les prix augmenter, très certainement dans les prochains mois et pour les fêtes de fin d'année".
- Pas de "traitement privilégié" -
Jusqu'au bout, notamment poussés par Paris, les négociateurs européens ont espéré une exemption pour les vins et spiritueux européens, sans succès jusqu'ici.
Jeudi, la fédération des exportateurs français de vin a exprimé "sa profonde déception", même si le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, a tenté de se montrer rassurant, affirmant que "les portes ne sont pas définitivement fermées".
Interrogé par l'AFP, un responsable de la Maison Blanche a cependant assuré que le gouvernement n'avait "pas accordé de traitement privilégié à l'alcool provenant d'Europe" dans le cadre de l'accord sur la négociation entre les deux rives de l'Atlantique.
Pour le président de l'Alliance américaine du commerce du vin, Ben Aneff, le pays profite "très largement de la vente de vins provenant d'Europe".
En cause, un système particulier qui impose aux producteurs étrangers de passer par un importateur américain, lequel se charge de vendre leurs produits aux grossistes, qui fournissent les détaillants, avant d'arriver au consommateur final, ce qui accorde une place essentielle aux entreprises américaines dans la chaîne d'approvisionnement.
"Pour chaque dollar que nous dépensons pour du vin européen, nous en gagnons 4,52", précise ainsi M. Aneff, ce qui représente, selon ses calculs "environ 24 milliards de dollars" gagnés par les importateurs sur les 5,3 milliards de dollars de vins achetés chaque année aux producteurs européens.
Une activité qui soutient des centaines de milliers d'emplois dans l'importation et la distribution, sans compter les dizaines de milliers de petits commerçants spécialisés, qui à leur tour vendent aux consommateurs et restaurants.
"Nous n'avons aucune garantie concernant une potentielle exemption mais nous savons que c'est quelque chose que le gouvernement prend sérieusement en considération", assure Ben Aneff.
- Producteurs américains touchés -
En attendant, Harry Root, qui dirige avec sa femme une entreprise d'importation et distribution de vins, assure avoir payé "plus de 100.000 dollars en droits de douane cette année".
"Nous avons gagné moins de 400.000 dollars l'année dernière, cela équivaut donc déjà à une taxe de 25% sur notre activité", s'inquiète-t-il.
"Cela limite fortement notre capacité à soutenir les producteurs américains", insiste M. Root, qui, s'il n'a pas pour l'instant eu à licencier, retarde le remplacement des salariés qui ont quitté l'entreprise, soit l'inverse de son ambition de développement affichée en début d'année.
"Nous y avons renoncé lorsque les droits de douane sont devenus réalité", dans l'espoir de réduire les coûts, "c'est une période particulièrement éprouvante", reconnaît l'entrepreneur.
N.Lambert--LCdB