Chlordécone: l'État condamné à indemniser deux ex-ouvrières agricoles en Martinique / Photo: Lionel CHAMOISEAU - AFP/Archives
Le tribunal administratif de la Martinique a condamné l’État à indemniser deux anciennes ouvrières agricoles de leur préjudice d'anxiété en lien avec leur exposition chronique au chlordécone, aux termes d'une décision rendue lundi dans ce scandale environnemental aux Antilles.
Les deux requérantes qui ont travaillé pendant des années dans des bananeraies martiniquaises avaient saisi cette juridiction en faisant valoir le préjudice moral d'anxiété dont elle s'estimaient victimes en raison du risque de développer la maladie de Parkinson, le lymphome non hodgkinien et sa forme du myélome multiple, du fait de leur exposition prolongée à des produits antiparasitaires à base de chlordécone.
Les juges ont estimé qu'elles apportaient "suffisamment d'éléments pour justifier d'un préjudice moral d'anxiété réparable, après avoir constaté que les intéressées avaient travaillé pendant plus de dix ans dans une bananeraie, en qualité d'ouvrières agricoles, et qu'elle avaient participé dans ce cadre aux travaux d'épandage manuel du chlordécone dans les zones de cultures, sans matériel de protection", a résumé dans un communiqué accompagnant les décisions le tribunal administratif.
Le tribunal a donc condamné l’État à indemniser les deux victimes, à hauteur de 10.000 euros chacune en réparation de ces préjudices.
Ces condamnations interviennent deux mois après une décision de la cour administrative d'appel de Paris, en mars, dans laquelle elle estimait que l’État devra désormais indemniser les victimes du chlordécone démontrant ce préjudice moral d'anxiété.
Saisie par 1.286 plaignants de Martinique et Guadeloupe, la cour avait estimé que "l'État a commis des fautes" notamment "en accordant des autorisations de vente d'insecticides à base de chlordécone" et "en permettant leur usage prolongé".
Seules une dizaine de victimes ont été reconnues comme pouvant prétendre à une indemnisation, en raison de la difficulté d'établir les preuves (analyses sanguines et études environnementales) permettant d'établir une "exposition effective à la pollution des sols, des eaux ou de la chaîne alimentaire" et un risque élevé de développer une pathologie grave.
À son tour, le tribunal administratif de la Martinique a relevé une "série de fautes" commises par l’État et "de nature à engager sa responsabilité" notamment dans les autorisations de vente des produits pesticides à base de chlordécone, interdits en 1990 mais qui ont fait l'objet de dérogations afin de permettre l'utilisation des stocks restant dans les bananeraies jusqu'en 1993.
B.Hendrix--LCdB