Le parquet d'un tribunal spécial de Dacca a accusé dimanche l'ex-Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, d'avoir orchestré une "attaque systématique" lors de la répression du mouvement de protestation de l'été 2024, à l'ouverture de son procès en son absence.
Surnommée la "bégum de fer", Mme Hasina a précipitamment quitté son pays en août 2024 au terme de plusieurs semaines de violentes émeutes pour trouver l'asile en Inde voisine.
La répression de ces manifestations a fait, selon l'ONU, au moins 1.400 morts.
L'ex-Première ministre, qui était au pouvoir depuis 2009, est poursuivie pour ces faits par la justice de son pays, qui a sollicité son extradition auprès des autorités indiennes, jusque-là sans réponse.
"Après avoir examiné les preuves, nous sommes parvenus à la conclusion qu'il s'agissait d'une attaque coordonnée, généralisée et systématique" contre les protestaires, a déclaré Mohammad Tajul Islam, le procureur du tribunal criminel international (ICT) bangladais, lors de son discours d'ouverture au procès de Mme Hasina et d'autres anciens hauts responsables liés à son régime.
"L'accusée a mobilisé toutes les forces de l'ordre et les membres armés de son parti (la Ligue Awami, ndlr) pour réprimer le soulèvement", a-t-il poursuivi.
Le 12 mai, le procureur Mohammad Tajul Islam avait expliqué à la presse que l'enquête considère Sheikh Hasina coupable "d'incitation, complicité, facilitation, complot et non-empêchement des massacres lors des émeutes de juillet" 2024.
L'ex-Première ministre rejette toutes les accusations la visant et affirme qu'elles sont motivées politiquement.
M. Islam avait précisé que les accusations visaient également son ancien ministre de l'Intérieur Asaduzzaman Khan Kamal et l'ex-chef de la police bangladaise Abdullah Al Mamun.
- "Crimes contre l'humanité" -
Dimanche, M. Islam a affirmé que ce dossier était non seulement recevable devant les tribunaux bangladais, mais qu'il "constituait également une violation flagrante des lois internationales relatives aux droits de l'Homme".
Il a promis un procès impartial: "il ne s'agit pas d'un acte de vengeance, mais d'un attachement au principe selon lequel, dans un pays démocratique, il n'y a pas de place pour les crimes contre l'humanité", a-t-il martelé.
Dans le cadre de l'enquête visant d'anciens hauts responsables liés au régime de Mme Hasina, des vidéos et audios, des conversations téléphoniques de l'ancienne dirigeante et des témoignages de victimes de la répression ont notamment été recueillis.
Le tribunal spécial de Dacca a commencé en mai à juger pour la première fois d'anciens hauts responsables liés au régime évincé de Mme Hasina.
Il a accusé formellement huit policiers pour la mort de six manifestants le 5 août 2024, jour où Mme Hasina a fui le pays alors que les manifestants prenaient d'assaut son palais.
Quatre d'entre eux sont emprisonnés et quatre sont jugés par contumace, dont l'ancien commissaire de police de Dacca Habibur Rahman. Ils sont accusés de crimes contre l'humanité.
Le gouvernement provisoire au pouvoir depuis l'été dernier est dirigé par le prix Nobel de la Paix, Muhammad Yunus.
Mais le pays est plongé dans une crise politique, les différents partis mettant M. Yunus sous pression.
R.Lacroix--LCdB